World Ultraball News

Voici maintenant plusieurs jours que la rédaction de notre journal mondial d'informations a perdu le contact avec son reporter itinérant Pierre Fullass. Quoique Pierre soit unanimement considéré comme un imbécile malodorant, pédant et capricieux. Quoiqu'il ait été renié par sa famille et nombre de ses pairs, UWNews souhaite témoigner de sa plus vive inquiétude et proclame que (presque) tous les moyens seront mis en oeuvre afin d'obtenir la libération de cet estimable (?) confrère ou - dans le pire des cas - le rapatriement de son intrépide dépouille.

Aux dernière nouvelles, ce vaillant serviteur de l'information avait effectué un périlleux voyage dans la ville de Belgrade - en proie à de violents affrontements - afin de couvrir un évènement sportif inédit dans la cité en flammes : La naissance, au coeur du chaos, d'une nouvelle franchise de la Ligue Open d'Ultraball.

Ce n'est pas sans émotion que nous retranscrivons ce jour dans nos colonnes - pour toi, lecteur - le dernier reportage de l'ami Pierrot : Une interview sur support audio du mystérieux coach belgradois - le colonel de réserve Ducoinovic - réalisée depuis le siège flambant neuf des Myrmidons, à quelques pas de l'Arène Saint-Georges.

Pierre est visiblement nerveux. Au dehors, on entend des bruits de mitrailleuses lourdes. Des clameurs. Des explosions. Pierre se racle la gorge. Ducoinovic pousse de longs soupirs, et nos experts estiment - après 72 heures d'analyse méticuleuse - que le colonel est probablement fatigué, peut-être exaspéré par l'attitude de notre confrère, à moins qu'il ne soit en train de fumer.

- "Colonel, serait-il possible d'éteindre la lumière, SVP ?

- Si cela vous fait plaisir.

- Pourriez-vous éteindre votre cigarette ?

- Ah non. Faut quand même pas pousser. Nerveux ?

- Il y a juste des centaines de types armés en train de se tirer dessus à chaque coin de rue. De véritables philanthropes.

- Vous n'avez rien à craindre. Rouges et Blancs se sont engagés à respecter les infrastructures, le staff et les joueurs des Myrmidons. Cette équipe, cette chance dirais-je, dépasse tous les clivages. L'Ultraball est une chose sérieuse, qui inspire en chaque Belgradois un sentiment sacré. Bien sûr, si des investisseurs malentionnés avaient l'idée saugrenue de financer ici une seconde franchise, il ne fait aucun doute que la population trouverait un nouveau motif de division. Pour l'heure, vous pouvez considérer que vous vous trouvez dans un sanctuaire. Détendez-vous...

- Je...heu...oui, très bien Colonel. Eh bien...[Ton faussement enjoué] si nous commencions par parler de vous !

Après plusieurs années au service des milices rouges, puis...heum...quelques autres à la tête d'une brigade blanche, vous êtes remarqué par les responsables régionaux de la N.E.B.C. et intégrez leurs services de renseignement et de sécurité. Comment expliquer que vous vous retrouviez soudainement propulsé à la tête d'une équipe d'Ultraball ?

- Pierre...vous espérez que je vous fournirai une escorte pour regagner l'aéroport, n'est-ce pas ?

- Heu...je préfèrerais, oui.

- Bien. Je vous propose de changer de sujet. Examinons plutôt ce qui intéresse véritablement vos lecteurs : le projet sportif.

- Ah...

[Silence prolongé]

- Et si nous évoquions la composition de l'équipe des Beograd Myrmidons, colonel ?

- C'est une question courageuse de votre part, Pierre.

L'Ultraball constitue une nouveauté en Serbie, qui n'a plus connu de véritable pratique sportive depuis le début de ce siècle. Il existe donc un important déficit d'expérience en matière de jeu, et nous avons été contraints de recruter principalement hors de nos frontières, en veillant toutefois à embaucher des Slaves.

L'ossature des Myrmidons est essentiellement russo-polonaise (4 Polonais, 3 Russes) mais dénombre aussi un Letton, un Slovaque et - cerise sur le gâteau - un jeune Serbe, belgradois de surcroît.

Lorsqu' Haiduk Seselj se promène en ville, on cesse de tirer dans la rue qu'il arpente, de peur qu'une pierre ou une roquette égratigne l'idole de tout un peuple, et les Rouges comme les Blancs l'escortent en chantant.

- Ah...c'est un grand joueur !

- Confidentiellement...non. On peut même dire que sur le terrain, Seselj est une véritable calamité. Mais il a le mérite d'exister. Son maillot se vend bien chez les nantis, et les jeunes miséreux caressent tous l'espoir de suivre une trajectoire semblable. Ce garçon fait l'unanimité. A part, peut-être, balle en main et dans les vestiaires...mais c'est une autre histoire...

- Mais alors, sur qui l'équipe peut-elle s'appuyer, sportivement parlant ?

- Sur ses Russes, qui sont durs au mal, et sur la jeune star de l'équipe, le grand Polonais (2,12m) Bazyli Zosniak.

- Intéressant. Serait-il possible d'interviewer ce joueur prometteur ?

- Pas pour l'instant. Zosniak est actuellement hospitalisé.

- Hein ? Avant même son premier match !

- Il...il se remet tranquillement de sa dernière crise d'anorexie.

- Mais ce n'est pas sérieux !

- C'est la stricte vérité.

- Vous insultez mon intelligence de journaliste ! Vous voudriez me faire croire que vous allez confier les clefs de l'équipe à un gringalet ? C'est...ridicule !

- Monsieur Fullass, vous m'indisposez. Cette interview est terminée. Donnez-moi cette cassette.

- Nan ! Je veux pas !

[Bruits de lutte]

[Cris de Fullass]

[Son de verre brisé / La fenêtre, estiment nos experts en accoustique]

- Rattrapez-le ! Mais rattrapez-le bon sang !"

Fin de l'enregistrement.

A Belgrade, le Colonel Ducoinovic, la Chambre des Blancs, le Comité des Rouges et les responsables locaux de la N.E.B.C. poursuivent activement leurs recherches et la mystérieuse disparition de Pierre - Probablement une des énigmes de notre temps - rappelle douloureusement à chacun que nos reporters risquent quotidiennement leur vie, leurs dents et parfois leur virginité dans des rues dangereuses ou des vestiaires emplis de psychopathes drogués afin de vous fournir une information digne de ce nom.

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